La vie terrestre
Il y a 530 millions, en très peu de temps, apparaissent les grands groupes d'animaux (vertébrés, arthropodes, mollusques...) qui existent encore aujourd'hui. Cette « explosion cambrienne », selon le terme consacré, reste inexpliquée. Le mystère vient peut-être de s'épaissir puisque cette diversification rapide aurait été précédée d'une autre phase similaire, baptisée « l’explosion d’Avalonia ».
Il y a moins de 600 millions d’années, les premiers organismes multicellulaires semblent faire une brutale apparition avec déjà une certaine forme de complexité. On parle du début de cette période comme celle d’Ediacara (ou encore édiacarien) en référence à des collines en Australie où de nombreuses traces fossiles d'organismes multicellulaires ont été trouvées. Entre 542 et 530 millions d’années avant le présent, durant le Cambrien, s’est ensuite produite en moins de 10 millions d’années ce qu’on appelle l’explosion cambrienne.
Un événement énigmatique
Déjà notée du temps de Darwin, cette brusque apparition des grands groupes d’animaux (on parle de phylums), était déjà considérée par le père de la théorie de l’évolution comme une énigme difficilement compatible avec les principes de sa théorie. Le lent processus graduel de modification des espèces ne semblait pas pouvoir rendre compte d’une brusque apparition de formes complexes et diversifiées. Darwin était persuadé que lorsque les archives fossiles seraient fouillées avec plus de soin, une évolution plus graduelle serait mise en évidence.
Une chronologie approximative des débuts de l'Ediacarien et du Cambrien. A droite et en bleu, les augmentations de la diversité de la vie. Crédit : P.-A. Bourque
La situation est devenue plus étrange encore avec la découverte des fossiles des schistes du Burgess au Canada. Elle a montré que la diversité lors de l’explosion cambrienne était encore plus grande que l’on ne l’avait imaginée.
Des formes d’animaux étranges ont été découvertes, comme Hallucigenia et Opabinia, n’ayant que peu de relations avec les phylums du monde vivant actuel. L’un des animaux les plus célèbres des océans de cette période était l’Anomalocaris, pouvant atteindre deux mètres de longueur, et qui devait se nourrir des trilobites très abondants à partir du début du Cambrien.
Un superprédateur des mers du Cambrien, Anomalocaris. Cliquez pour agrandir.
Pour résoudre l’énigme posée par l’explosion cambrienne, les paléontologues ont amendé la théorie darwinienne. L’évolution alternerait des phases lentes, en fait statiques, avec des phases de brusques diversifications, c’est la théorie des équilibres ponctués développée entre autres par Stephen Jay Gould.
Une véritable explosion de la complexité ?
Certains pensent aussi que la complexification des espèces vivantes avait déjà commencé bien avant, mais que c’est seulement lors d’événements encore mal compris que la complexité accumulée dans le matériel génétique a pu exprimer toutes ses potentialités. Ainsi, tous les ingrédients nécessaires pour déclencher une brusque diversification des espèces, sous l’action d’un stress environnemental par exemple, se seraient mis en place des centaines de millions d’années avant l’explosion cambrienne.
A cet égard, le travail publié dans Science est intéressant.
Shuhai Xiao, professeur de géobiologie à l’Université de Virginia Tech, et ses collègues, ont découvert ce qui semblerait bien être une seconde explosion cambrienne plus ancienne, qu'ils ont baptisée explosion d’Avalonia (Avalon explosion en anglais), par référence au nom d'un microcontinent disparu.
Elle s’est produite 33 millions d’années environ avant l’explosion cambrienne typique, exactement au moment où l’on sait que le taux d’oxygène dans l’atmosphère avait subi une augmentation notable et à la sortie d’une glaciation importante en liaison avec la théorie de la Terre boule de neige. Les types morphologiques d’Ediacara sont déjà tous là entre 575 et 565 millions d’années mais, curieusement, ils ne survivront pas, alors que ceux apparus à la suite de l’explosion cambrienne le feront.