Littérature romaine
La littérature latine, originale dans certains genres, tels que la satire, l'épître, et peut-être encore l'éloquence, a imité la Grèce dans la poésie, la philosophie et les sciences mais en élevant l'imitation à la beauté des modèles. Dramatique et positive, elle donne peu de place à l'imagination et à la fantaisie, beaucoup à la raison sérieuse, aux applications de la conduite et de la vie. Peu spiritualiste, elle s'attache à l'action, à la politique, aux affaires, à la morale pratique : les facultés de l'esprit et les problèmes de la destinée humaine n'y tiennent guère de place. Ce que la philosophie romaine a dit de ces grands sujets n'est qu'un reflet de la Grèce; ce qu'en disent les Pères de l'Eglise n'appartient plus à la littérature classique; c'est un autre monde. Là est la faiblesse des lettres latines, faiblesse plus sensible encore si l'on se reporte aux puissants et admirables efforts des auteurs grecs sur ces questions mystérieuses et infinies. Malgré des affinités certaines d'origine, la culture latine n'avait pas cette richesse inépuisable d'imagination qui, pendant les beaux siècles de la Grèce, se répandit dans tous les genres de la poésie, inspirant un nombre prodigieux de chefs-d'oeuvre lyriques ou dramatiques dont il nous reste à peine la moindre partie.
Rome avait d'autres appétences. Laborieuse et guerrière, elle prit d'abord et gardera les habitudes impérieuses de l'autorité militaire, de la gravité patricienne et sacerdotale, et les goûts positifs d'épargne et d'avidité que donnent la vie des champs et la pauvreté. Le mérite et l'originalité de la littérature latine est d'avoir égalé la précision et la vigueur de son langage à la solidité et à l'énergie du peuple-roi, à ces qualités sévères, que Cicéron énumère avec orgueil dans la préface des Tusculanes, "gravité, élévation des sentiments, probité, bonne foi, toutes les vertus qui mettaient ses ancêtres au-dessus de toute comparaison." (Tusc. I, 1). On sait en quels termes magnifiques Bossuet a résumé ce qu'il appelle le fonds du Peuple romain, "le plus fier et le plus hardi de tous les peuples du monde, mais tout ensemble le plus réglé dans ses conseils, le plus constant dans ses maximes, le plus avisé, le plus laborieux, et enfin le plus patient." (Histoire universelle, III, 6).
Le mérite de la littérature latine est d'exprimer, dignement ces caractères plus solides que brillants. Non pas cependant qu'elle soit toujours solennelle, ni majestueuse jusqu'à la monotonie; quelquefois déclamatoire, plus souvent grossière et même triviale, non seulement dans les comiques, mais parfois même chez les orateurs et les poètes dits sérieux, elle se ressentira, jusque dans ses plus beaux jours, de la rudesse propre à une nation de laboureurs et de soldats; on peut en croire le témoignage d'Horace. Mais, dans la crudité même du langage, elle conserve encore un certain air de grandeur, un sentiment de la valeur et de la puissance personnelles : c'est toujours l'expression de la pensée d'un peuple conquérant, légiste, organisateur, qui a dominé le monde pendant des siècles :
Par les lois, par les moeurs, et surtout par la guerre.
Selons les auteurs, on a divisé l'histoire de la littérature latine de diverses manières. Les périodes que l'on a définies sont pour moitié motivées par le propos que l'on tient, et pour moitié forcément arbitraires. Dans ce site, afin de faciliter la circulation entre les différentes sections de l'encyclopédie, on a choisi une division qui se calque sur le plan général que l'on a suivi pour l'histoire de Rome. La première période, qui est celle de la République, ne compte aucun texte littéraire jusqu'à la publication des poèmes de Livius Andronicus, vers 240 av. J.-C., . La seconde période, qui va du règne d'Auguste jusqu'à la chute de Rome, c'est-à-dire pendant la durée de l'Empire, peut elle-même être subdivisée en une époque correspondant à l'âge d'or de la littérature latine, et qui dure jusqu'à la mort de Marc-Aurèle (180); puis par une époque caractérisée par un déclin des lettres, et même par ce que l'on a appelé une anarchie littéraire; le latin de Cicéron cesse d'être un modèle vivant de la langue littéraire et le langage du peuple domine. Cette période se termine avec le commencement du Moyen âge, soit vers l'époque de Boèce et de Cassiodore, vers l'an 500. La littérature latine connaîtra cependant un renouveau vers l'époque de Charlemagne (VIIIe-IXe siècle), qui durera pendant presque tout le reste du Moyen âge, avant de s'effacer presque complètement à la Renaissance.
Des origines à la fin de la République.
Les documents les plus anciens que nous connaissions sont des chants religieux et des pièces politiques. Parmi ceux-là, les chants saliens sont probablement de la plus haute antiquité. L'un d'eux, existant encore, est un chant de danse des frères Arvales, en l'honneur de Mars, et il revêt une forme très primitive du langage. Les Annales Maximi, considérées par Quintilien comme le début de la prose latine, les registres des familles, les livres des oracles et les calendriers albains et romains sont aussi d'une grande antiquité. La loi des 12 Tables date d'environ 450 av. J.-C.
De Livius Andronicus au début du règne d'Auguste.
Livius Andronicus fut le premier qui transplanta la littérature grecque à Rome, par la représentation d'un drame et la traduction de l'Odyssée. Son successeur, Naevius, vers 235, eut plus de facilité et un rythme plus mâle. Les événements de la seconde Guerre punique donnèrent le goût des écrits historiques, que les auteurs contemporains, Fabius Pictor et Cincius Alimentus, essayèrent de satisfaire, en écrivant principalement en grec. Le meilleur prosateur latin fut Caton l'Ancien.
Du temps de Caton, apparut le père de la poésie latine, Quintus Ennius (mort en 169); il abandonna le mètre saturnien et introduisit les rythmes grecs. Caecilius Statius (mort en 168) et Maccius Plautus (Plaute) profitèrent de ses leçons; ils introduisirent dans leurs imitations des comédies grecques le langage, les pensées et les moeurs des plébéiens. Le tragique Pacuvius fut aussi un successeur d'Ennius. En 166, on représenta le premier drame de Térence; ses imitations de Ménandre furent assez exactes, ses dialogues témoignaient de beaucoup de goût et son langage fut parfaitement mesuré et très spirituel. Lucilius (vers 120) créa une nouvelle forme de poésie populaire, la satire.
Le siècle de Cicéron fut inférieur en productions littéraires. Le seul poète véritable fut Lucrèce; ses compositions se caractérisent par un matérialisme' sceptique. Catulle est connu par ses exquises poésies Iyriques, ses élégies et ses épigrammes. Térence fut probablement le plus grand auteur de son époque. Les fragments de Cornelius Nepos (vers 54) sont écrits dans un style simple, sobre et coulant. Les Commentaires de César sont parmi les plus magnifiques textes de la littérature latine. Mais l'écrivain romain le plus clairvoyant et le plus artistique fut Salluste (vers 45). Le maître en éloquence et en composition philosophique fut, sans contredit, Cicéron. Sur l'ancienne langue simple et sans règle s'était ainsi formée la latinité classique.
La littérature latine pendant l'Empire.
D'Auguste à Marc-Aurèle.
Le siècle d'Auguste, qui commence 30 ap. J.-C., 13 ans après la mort de Cicéron, offre un grand contraste. Auguste, bien qu'il fût lui-même un personnage peu versé en littérature, fit tout ce qui dépendait de lui pour favoriser les progrès littéraires. Les classes les plus riches devinrent à leur tour les protectrices des hommes de lettres et elles constituèrent le public auquel s'adressaient ordinairement les auteurs. La jurisprudence, la grammaire et la rhétorique reçurent aussi une vive impulsion. Mais la gloire du siècle d'Auguste, ce fut la poésie. Les poètes étudiaient avec assiduité l'art grec, et leurs poèmes sont empreints d'hellénisme et d'imitations grecques. La puissance de forme, correcte au point de vue de la grammaire et de la flexion rythmique, riche en images est parfaite dans la mesure, mérite la plus grande admiration, car l'élégance facile des écrits n'y laisse pas soupçonner la grande difficulté du travail. Ce siècle produisit dans une égale perfection tous les genres de poésie depuis l'epos ( = récit) jusqu'à l'épître poétique et au poème didactique. Les élégies raffinées de Tibulle célèbrent ses amours et ses exploits militaires en Gaule; Properce abonde en images riches; la phraséologie classique de Virgile reste un modèle du genre pendant cinq siècles. Ovide excelle en narrations heureuses et Horace fut sans égal pour la pureté du langage. Tandis que la poésie était à son apogée, la prose historique était à son déclin, bien que l'Histoire de Rome de Tite Live ait été universellement reconnue comme une production classique.
La période qui s'étend de 14 ap. J-C. jusqu'en 180, a porté longtemps le nom de latinité de l'âge d'argent. Le despotisme brutal, commençant avec Tibère, pesa sur l'esprit romain jusqu'à la mort de Domitien. La poésie souffrit le plus. Pendant les 23 années du règne de Tibère, Phèdre, l'auteur des Fables, est le seul poète. La rhétorique tomba lentement aussi de la hauteur où elle était parvenue. Germanicus composa plusieurs ouvrages en vers. Velleius Paterculus écrivit un abrégé de l'histoire romaine en bon style. Valère-Maxime fit une collection d'anecdotes. Cornelius Celsus (Celse) fut un écrivain prolixe et un encyclopédiste. Pendant les règnes de Caligula, de Claude et de Néron, le principal auteur fut Senèque. Ses écrits philosophiques charment par l'abondance des connaissances et par l'élévation de la pensée. Ses tragédies déploient une quantité exagérée de mots et de figures de rhétorique. Quinte-Curce écrivit une histoire développée d'Alexandre le Grand. Columelle écrivit 12 livres sur l'agriculture et Pomponius Mela une description du monde. Valerius Probus est le grammairien le plus éminent de son temps. Avec le style ampoulé qui caractérise cette période, Perse écrivit six satires. Un écrivain fertile en prose et en vers fut Lucain, l'auteur de la Pharsale, poème épique inachevé sur la guerre civile entre Pompée et César. On croit que pendant le règne de Néron commença le genre romantique attribué à Pétrone; bien qu'il ne reste plus de cet auteur que quelques fragments, ils sont importants, parce qu'ils représentent spécialement les moeurs et le langage du peuple de cette époque. Sous Vespasien et Titus florissait Pline l'Ancien, dont l'encyclopédie de sciences naturelles est parvenue jusqu'à nous.
Parmi les poètes de cette époque est Valerius Flaccus dont les 10 livres d'Argonautica montrent une diction élégante, mais peu claire. Silius Italicus (mort en 101) écrivit 17 livres de Punica, imitant Homère et Virgile. Le plus grand ouvrage de Papinius Statius (Stace) fut la Thebais, en 12 livres, laquelle, de même que son Achilleis (incomplet), sont écrits dans un langage lourd; il montra plus de talent dans sa Silvae. Martial laissa 15 livres d'épigrammes. Le prosateur le plus éminent de son siècle est Quintilien, qui écrivit sur l'art oratoire. Julius Frontinus (Frontin), excellent ingénieur, fut l'auteur d'un ouvrage populaire sur la tactique, et d'un ouvrage en deux livres De Aquis urbis Romae, écrit dans un style concis et raffiné. Entre 96 et 117, sous Nerva et Trajan, la littérature, bien qu'elle fût grandement à son déclin, eut un grand nombre d'écrivains dans toutes les branches. Le poète le plus éminent fut Juvénal, dont les satires décrivent éloquemment et d'une manière frappante les vices de la société romaine.
L'écrivain en prose le plus remarquable est Tacite; comme historien, il suivit les meilleures sources, les passant au crible d'une critique sévère et indiquant seulement ses propres vues, mais écrivant toujours d'un ton mélancolique et rempli d'amertume. Pline le Jeune a écrit, sur un grand nombre de sujets, des lettreségotistes, mais d'un style coulant et gracieux. Sous Hadrien (117-138), le littérateur le plus important fut Suétone. Ses Viri Illustres et Vies des douze Césars sont inexacts comme chronologie, bien que tirés de bonnes sources; le style est rempli de fleurs de rhétorique, mais monotone. Florus écrivit un abrégé de l'histoire romaine Jusqu'à Auguste, c'est un ouvrage de rhétorique inexact. Justin l'historien vécut peut-être vers cette époque. Le principal grammairien du siècle est Terentius. Scaurus Caelius Aurelianus laissa deux ouvrages mal écrits sur l'art médical. Parmi les écrivains en vers, nous trouvons Annianus, Aelius Verus, etc.; l'époque d'Hadrien ne produisit pas de poète bien remarquable. L'époque des Antonins (138-180) termine cette période. L'excellent règne d'Antonin le Pieux n'empêcha pas le déclin de la littérature latine. Fronton, homme sans talent et sans goût, fut la plus haute autorité du temps. Son érudition et son affectation devinrent à la mode.
Les recherches historiques n'étaient pas en grande faveur. Les plus fameux des nombreux ouvrages du juriste Caïus, les Res Cotidianae et les Institutiones, sont excessivement gracieux, vifs et naturels; le dernier servit de base aux Institutade Justinien. Les productions poétiques de cette époque sont insignifiantes, excepté le Pervigilium Veneris et le poème épique badin Vespa. La littérature du règne de Marc-Aurèle (161-180) resta sous l'influence de Fronton et de ses élèves Victorinus (Gens Aufidia), Silanus et Festus. Les 20 livres des Noctes Atticae, par Aulu-Gelle, sont importants pour plusieurs branches de littérature et pour la connaissance de cette époque. Apulée, philosophe platoninicien et rhéteur, possédait de l'originalité, de la facilité et de la vivacité. Le juriste Scaevola écrivit 40 livres de Digesta; on les employa beaucoup dans les Pandectes.
De la mort de Marc Aurèle à Romulus Augustule.
C'est la période de la dissolution de la littérature nationale. Depuis le temps de l'avènement de Commode jusqu'à la mort de Septime-Sévère (180-211), la religion chrétienne gagna du terrain, même parmi les classes instruites et elle fut défendue par l'éloquent Minucius Felix et par Tertullien. Le grand juriste Papinien se distingua par sa clarté, et les plus importants de ses ouvrages, Quaestiones et Responsa, furent employés dans les collections de Justinien. Parmi les juristes de la première moitié du IIIe siècle se trouve Ulpien. Trois grammairiens de cette époque jouissent de quelque célébrité : Julius Romanus, Juba et Censorinus; ils s'occupèrent de rhétorique. Martial écrivit un ouvrage considérable sur l'agriculture. Marius Maximus écrivit les biographies complètes des empereurs postérieurs à Nerva, mais sans attention et sans exactitude. Les ouvrages de saint Cyprien sont en partie d'un caractère apologétique. Parmi les écrivains en vers furent Alfius Avitus et Marianus, l'auteur de Lupercalia. Dans la seconde moitié du IIIe siècle, parurent Nemesianus, un poète; Aquila Romanus, un rhéteur, et Nonius Marcellus, auteur d'un lexique qui existe encore.
Avec Dioclétien (284-305) parurent les orateurs panégyristes, qui consacrèrent leur éloquence aux vertus surhumaines et aux actions des empereurs. La Gaule était alors le théâtre principal de cet art. Les Scriptores Augustae Historiae, tels que Aelius Spartianus, Valcatius Gallicanus et Trebellius Pollio (Pollion), manquent tous de talent et de capacité. Marius Plautius Sacerdos écrivit un Ars Grammatica; Terentianus de Maurétanie un manuel métrique, et Arnobius (Arnobe) sept livres pour expliquer sa conversion au christianisme; il fut le professeur d'éloquence du célèbre Lactance, qui surpassa tous les autres écrivains chrétiens par la pureté et l'élégance de sa diction. Le déplacement de la résidence impériale à Constantinople imposa un nouveau caractère à la littérature du IVe siècle. C'est l'époque de la plus grande splendeur dans la littérature chrétienne. Les études grammaticales se poursuivirent alors sans s'occuper des recherches historiques et savantes. Firmicus écrivit un système d'astrologie. Donatus (Donat) vient vers le milieu du IVe siècle, il est l'auteur de plusieurs livres importants sur la grammaire et de commentaires sur Térence et sur Virgile. Palladius écrivit 14 livres sur l'agriculture.
La littérature historique de l'époque se compose de courts abrégés par Aurelius Victor, par Eutropius (Eutrope) et par Sextus Rufus. Le seul discours latin qui existe, de cette époque est celui de Claudius Mamertinus, qui donne un portrait fidèle du caractère de Julien comme prince. Hilarius (Hilaire), évêque de Poitiers, fut un écrivain fertile sur la théologie. Avienus écrivit des poèmes, principalement didactiques sur des sujets historiques et il montra toujours une grande pureté de forme et de pensée. Les compositions du rhéteur Magnus Ansonius ont peu de valeur comme poésie, mais ils sont intéressants pour la représentation fidèle des personnes et des affaires de son siècle. Les hymnes chrétiens de Damasus (mort en 384) sont les premières qui soient parvenues jusqu'à nous. On peut assigner aussi à cette époque la plus ancienne traduction de la Bible (Itala).
A partir du règne de Théodose Ier, le polythéisme s'éteignit graduellement. Symmaque et Ammianus Marcellinus (Ammien Marcellin) furent en réalité les derniers représentants du polythéisme en littérature. Le dernier fit une suite de 34 livres à l'histoire de Tacite. Sa diction est obscure et fatigante. Le nombre et l'importance des écrivains chrétiens augmenta journellement. Au-dessus de tous fut saint Ambroise, ses hymnes devinrent célèbres. Saint Jérôme fut le plus savant écrivain chrétien; il interpréta et traduisit les livres de la Bible. Prudentius (Prudence) écrivit des poèmes sur des sujets chrétiens, et peu de temps après lui, Sulpicius Severus et Orosius (Orose) traitèrent l'histoire au point de vue chrétien. Claudius Claudianus (Claudien ) fut l'auteur païen le plus important de la fin du IVe et du commencement du Ve siècle. Il imita la diction et la mesure des poètes de l'âge classique avec un succès parfait.
Saint Augustin (mort en 430) est l'intelligence la plus remarquable de son époque. Au commencement du Ve siècle, vivait aussi Pelagius (Pélage), fondateur bien connu du pélagianisme, son jeune ami Caelestius, le traducteur Anianus, et parmi d'autres écrivains chrétiens, Helvidius et lnnocentius. Macrobius (Macrobe) écrivit un commentaire du rêve de Scipion par Cicéron et sept livres de Saturnalia. A la même époque, peut-être, Arianus composa ses 42 fables. Martianus Capella écrivit une encyclopédie des sept arts libéraux, production bien prétentieuse. Les nations gouvernantes étaient alors des barbares, et les nations conquises se soumettaient avec un sombre désespoir. Par degrés, les productions littéraires s'éteignirent. Les sciences et la littérature passèrent graduellement dans les mains du clergé. On peut mentionner quelques autres noms : Rutilius Namatinus; Sidonius Apollinaris (Sidoine Apollinaire), Domnulus et Mamertus Claudianus dans la poésie; Peregrinus, l'évêque romain Léon ler; le prêtre gallois Salvianus Arnobius (le Jeune), Cerealis, Gelasius, Gennadius et d'autres écrivains religieux; Victor Vitensis et l'Espagnol Idacius, historiens.
La littérature latine après la chute de Rome
En ces temps où le crime et le parjure semblent naturels, quelques esprits persistent à tenter de maintenir la culture et sont les auteurs d'ouvrages en latin, comme Grégoire de Tours ou saint Hilaire de Poitiers. C'est aussi dans les monastères que se maintient le goût de la littérature et des beaux-arts. Paulin, évêque de Nole et élève d'Ausone; saint Avi ; le prédicateur Césaire, évêque d'Arles; le poète Fortunatus, sont, après Grégoire de Tours les héritiers les plus remarquables de la culture latine.
Le latin, dont la décadence fut stoppée à l'époque de Charlemagne, n'est pas seulement, au Moyen âge, la langue officielle de l'Église et de l'État, celle de la liturgie comme celle des chartes et des diplômes; il est aussi celle des lettrés, des penseurs, des savants, en même temps qu'un instrument de communications internationales. Langue bien vivante, il s'enrichit de mots nouveaux pour exprimer les idées nouvelles ; il introduit dans la versification, à côté du mètre et de la quantité, un rythme fondé sur l'accentuation et sur la rime, qui jouera un si grand rôle dans beaucoup de langues jeunes.
Combien de trouvailles heureuses, a pu écrire Camille Jullian, qu'on a signalées chez nos auteurs français, devraient être restituées à leurs devanciers latins! "
A l'époque Carolingienne, sur le modèle de Tours se formèrent les écoles des cathédrales et des monastères, dont voici les plus brillantes, avec les noms de leurs inspirateurs : Saint-Riquier (Angilbert) , Corbie (Adalard) , Saint-Wandrille (Gérold, Anségise), Aniane (saint Benoît) , Orléans et Fleury-sur-Loire (Théodulfe), ; celles de Fulda, de Reims et de Troyes se développeronnt surtout au milieu du IXe siècle. Alcuin a donné à ces écoles leurs programmes et leurs manuels; les sept arts libéraux. Le chant sacré, qui préoccupe fort Charlemagne, est surtout cultivé dans quelques centres, tel le conservatoire de musique sacrée établi à Lyon par l'archevêque Leidrade. Enfin, une académie palatine, présidée par Alcuin, réunissait les beaux esprits du moment.
Aus siècle suivants, La France tient la première place dans ce mouvement qui concerne toute l'Europe, notamment grâce à l'école du Bec, en Normandie, (Lanfranc et Anselme), à l'université de Paris (Alexandre de Hales,Thomas d'Aquin, Bonaventure, Pierre Lombard) et grâce à Héloïse et Abélard;. En Allemagne, on a Hildegarde. Mais voici aussi saint Bernard, Vincent de Beauvais, Roger Bacon, Fulbert. Voici les sermonnaires, et les vies de saints, et la Légende dorée de Jacques de Voragine. Voici les chroniqueurs Guillaume de Jumièges, Dudon de Saint-Quentin, Adémar de Chabannes, Orderic Vital, Guillaume de Malmesbury, Otton de Freisingen . Voici encore : Suger, Rigord (continué par Guillaume le Breton), Guillaume de Nangis, Jean de Hauteville. Voici les lapidaires et les bestiaires, les auteurs de mystères, les chantres de la vie des animaux qui préparent le Roman de Renart. Voici les innombrables poètes, dont plus d'un servira de modèle aux écrivains langue vulgaire. Voici les traductions d'ouvrages grecs et d'ouvrages arabes, ces dernières dues surtout aux Espagnols, et les productions si variées des monastères allemands (Reichenau, Saint-Gall, etc.). Voici enfin la curieuse et satirique poésie des goliards, la poésie du vagabondage.
A la fin du Moyen âge le latin perd sa place prépondérante comme langue de la littérature. La littérature latine ne disparaît pas pour autant. Elle est encore la langue des savants et des philosphes. Elle va même rencontrer un regain d'intérêt à partir de la Renaissance. Au XVe siècle brillent Pétrarque et Ange Politien; le XVIe, plus fécond, présente, non sans orgueil, Sannazar, Vida, Bembo, Bèze, Du Bellay, Muret, Joseph Scaliger, Passerat, l'Hospital, Sainte-Marthe (Sammarthanus) et l'Écossais George Buchanan. Ceux-ci à leur tour ont, au XVIIe siècle, leurs successeurs : en Hollande, Heinsius et Gaspard Barlaeus; en Pologne, Sarbievius; en Ecosse, Arthur Johntons; en Angleterre, Owen, May et le grand Milton; en Italie, le P. Ceva, Segardi et Strozzi; en France